Pacte d’associés : contrôle et suivi de la gouvernance

A côté d’un volet important relatif aux transferts de titres de la société (clauses de préemption, tag along et drag along, good et bad leaver, etc.), le pacte d’associés est souvent l’occasion de mettre en place un dispositif de contrôle et de suivi sur-mesure de la gouvernance de la société.

Insuffisance des mécanismes légaux :

Légalement, le contrôle et le suivi de l’action des dirigeants par les associés n’intervient généralement qu’a posteriori et une fois par an, à l’occasion de l’assemblée générale ordinaire annuelle. Cette dernière est l’occasion de prendre connaissance du rapport de gestion, des éventuelles conventions réglementées passées au cours du dernier exercice clos, et de se prononcer sur le quitus à donner ou non à la direction pour sa gestion passée.

A l’exception notable des sociétés anonymes, où les conventions réglementées doivent être autorisées préalablement à leur conclusion, la loi n’a ainsi organisé qu’un contrôle assez souple et a posteriori de la gouvernance en dehors du cadre contentieux. Durant l’exercice social et jusqu’à l’assemblée générale annuelle d’approbation des comptes, le dirigeant a ainsi légalement toute latitude pour gérer et engager la société, sans en rendre compte aux associés.

C’est donc pour palier à cette insuffisance que la pratique a développé certains mécanismes de contrôle plus sécurisants pour les associés, insérés dans les statuts de la société ou au sein d’un pacte.

Limitation statutaire ou contractuelle :

Il est ainsi possible d’insérer des dispositifs de contrôle de la gouvernance au sein des statuts. Il sera alors précisé dans l’article relatif aux pouvoirs du dirigeant une liste de décisions ou actions significatives, que ce dernier ne pourra pas réaliser sans obtenir l’autorisation préalable de la collectivité des associés.

Si cette limitation de pouvoirs n’est généralement pas opposable au tiers, dans l’hypothèse où elle serait violée par le dirigeant elle pourra toutefois motiver l’engagement de sa responsabilité par la société, et le cas échéant sa révocation.

Plusieurs raisons peuvent toutefois militer pour l’insertion des mécanismes de contrôle de la gouvernance au sein d’un pacte d’associés, plutôt que des statuts :

Discrétion : une copie des statuts déposés au greffe peut être récupérée gratuitement par toute personne. Le contrôle de la gouvernance mis en place, parfois pour des raisons internes et selon certains process propres à l’activité, est ainsi consultable par tout tiers dès lors qu’il est inscrit dans les statuts.

A noter également que la mise en place d’organes de contrôle au sein des statuts, et/ou la désignation directe de personnes à cette fin, peut entraîner l’indication de ces dernières sur le KBIS par le greffe, ce qui n’est pas nécessairement souhaité.

Responsabilité : l’indication d’un organe de contrôle et de ses membres sur les statuts consultables par tous, voire sur le KBIS de la société, sont de nature à permettre la qualification de ces derniers en tant que dirigeants (de droit ou de fait) de la société, ce qui peut faciliter l’engagement de leur responsabilité juridique.

Stabilité : en tant que stipulations statutaires, les dispositifs de contrôle de la gouvernance peuvent être modifiées (dans le sens d’un renforcement ou d’un allègement) par une décision extraordinaire des associés, généralement prise à la majorité des 2/3 des voix présentes ou représentées. A l’inverse, il résulte de la nature contractuelle du pacte que ce dernier ne peut être modifié qu’à l’unanimité, sauf stipulation contraire.

Liberté contractuelle : Le pacte d’associé jouit d’une entière liberté contractuelle, à l’inverse des statuts. Cette dernière permettra ainsi de mettre en place des mécanismes confidentiels et sur-mesure par rapport aux besoin de l’activité et de associés, rattachés aux autres mécanismes du pacte notamment pour en assurer le respect (lien avec la clause de bad leaver notamment).

Mise en place d’un organe de contrôle :

Le contrôle de la gouvernance organisé au sein du pacte prend généralement la forme d’un comité de suivi, réunissant tout ou partie des signataires du pacte ou de leurs représentants.

L’intitulé de ce comité, laissée à la libre appréciation des signataires (Comité de Direction, Comité Stratégique, etc.), importera peu. Devront en revanche être particulièrement soignés :
L’équilibre de sa composition, spécialement en présence d’associés ou de catégories d’associés ayant des positionnements différents (typiquement la dichotomie fondateurs / investisseurs) ;
Les modalités de ses prises de décisions, en terme de quorum et de majorité.

Droit d’information renforcée :

Le pacte est l’occasion d’organiser un suivi de la gouvernance et de l’activité plus régulier que le seul compte rendu général et a posteriori prévu par la loi lors de l’assemblée générale ordinaire annuelle. Il pourra ainsi être prévu à la charge du ou des dirigeants :

Un devoir d’information ponctuelle, lorsque certains évènements bien identifiés et parfois quantifiés interviennent (dépassement de certains seuils correspondant à des indicateurs spécifiques à l’activité, conclusion de partenariats stratégiques, évènements majeurs, etc.) ;
Un devoir d’information périodique, prévoyant un reporting régulier d’informations de certains évènements ou indicateurs généraux (ex : communication trimestrielle du CA du dernier trimestre, de la liste des contrats importants conclus, communication mensuelle des principales actions commerciales menées, de la masse salariale, etc.).

Il sera capital  à cet égard de trouver un juste équilibre entre une information suffisante des associés, et la nécessité de ne pas faire crouler le dirigeant sous des obligations de reporting l’empêchant de se consacrer suffisamment à la gestion et au développement de l’activité.

Droit d’autorisation préalable :

Allant plus loin que le dispositif limité des conventions réglementées, le pacte va permettre de dresser une liste exhaustive de décisions que le dirigeant ne pourra pas prendre sans l’autorisation préalable de l’organe de contrôle mis en place.

Le listing des décisions soumises à contrôle préalable est variable : embauche ou licenciement relatif à un contrat de travail avec une certaine rémunération (ex : supérieure à ​50 000 € bruts annuels), engagements supérieurs à un certain montant (ex : 25 000 €),  emprunts bancaires ou octroi de sûretés pour un certain montant, remboursement de compte courant d’associé, conclusion ou modification des principaux contrats, conclusion de conventions entre la société et les associés, décision d’engager des poursuites judiciaires, décision d’aliénation de certains actifs stratégiques (outillage industriel, droit de PI, etc.), etc.

Il est à cet égard fréquent de distinguer certaines décisions importantes mais relativement courantes, qui seront autorisées à une majorité simple, d’autres décisions critiques, soit par nature (ex : fusion) soit pour certains associés (ex : conclusion d’un contrat avec tel concurrent de l’associé industriel), qui pourront faire l’objet de conditions de majorité plus exigeantes, voire d’un droit de veto.

Comme pour le droit d’information renforcé, il conviendra toujours de trouver le juste équilibre entre le légitime contrôle de l’action des dirigeants, et la liberté devant leur être laissée pour permettre une gestion efficace de la société.

Droit d’audit :

Plus rarement, le pacte d’associés pourra prévoir la faculté pour l’organe de contrôle de la gouvernance de décider la réalisation d’un audit de la société, par des organismes de contrôle externes, afin d’effectuer un contrôle a posteriori complet de sa gestion.

Ce droit d’audit, certes particulièrement sécurisant pour les associés, devra pareillement être particulièrement bien encadré, tant dans ses domaines d’intervention (financier, juridique, comptable, commercial, technique…), que dans sa fréquence (annuelle, bi-annuelle…) et son coût (prévision d’un plafond).
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La mise en place de mécanismes de contrôle de la gouvernance au sein de pactes d’associés répond au soucis légitime des associés, ou à tout le moins de certains d’entre eux (investisseurs, partenaires industriels dans une JV, membres d’une holding familiale notamment), de disposer d’un suivi plus complet et sécurisant que celui offert par la loi ou les statuts. Comme toujours, la nature contractuelle du pacte et la force obligatoire qui la caractérise rendent impérative une préparation soignée de ce dernier, afin de mettre en place des stipulations aussi efficaces qu’équilibrés pour toutes les parties.

Note : 5 sur 5.

Un article de Me Clément BILLAUX de BCM AVOCATS

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