Bail commercial : conseils et réflexes de négociation du preneur

Souvent indispensable pour assurer l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale, la conclusion d’un bail commercial n’est pas un acte anodin, tout particulièrement pour le locataire.

Le contenu d’un bail commercial est juridiquement bien encadré, et de façon renforcée depuis l’adoption de la loi Pinel du 18 juin 2014 qui a profondément bouleversé le statut des baux commerciaux.

Qu’est-ce qu’un bail commercial ?

Le bail commercial n’est ni plus ni moins qu’un contrat de location d’un local dans lequel est exercée une activité commerciale, industrielle ou artisanale. Le local loué doit servir à l’exploitation d’un fonds de commerce.

Il est conclu entre l’exploitant du fonds de commerce (le locataire, aussi appelé preneur) et le propriétaire du local (le bailleur). Il n’est soumis à aucun formalisme particulier et peut être indifféremment conclu par acte sous seing privé ou notarié.

Le bail commercial doit avoir une durée minimale de neuf ans. Le locataire dispose de la faculté de donner congé à son bailleur, afin de quitter les lieux, tous les trois ans (à l’expiration de chaque période triennale à compter de la date d’effet du bail).

/!\ Aucune clause ne peut déroger à cette durée minimale.  Attention cependant, il est parfois passé outre cette contrainte en commençant par conclure, lorsque les conditions sont remplies, un bail dit « dérogatoire » pour une durée maximale de trois ans.

–> Afin de conclure un contrat de bail commercial sécurisant, favorable et adapté à son activité, le locataire sera ainsi avisé de garder à l’esprit quelques uns des réflexes ci-après exposés .

1er réflexe : les locaux sont-ils adaptés à l’activité envisagée ?

La conclusion d’un bail commercial n’est possible que si le local choisi est affecté administrativement à l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale.

Pour exemple, des locaux qui ont été affectés à usage d’entrepôt au moment de leur construction ne pourront en aucun cas être loués pour l’exercice d’une activité de restauration !

–> Le preneur sera donc avisé de solliciter auprès du bailleur ou de son intermédiaire, tous justificatifs en ce sens (permis de construire, PLU, etc.).

Outre l’usage officiel du local, lorsque ce dernier dépend d’une copropriété, il convient de s’assurer avant même de conclure le bail que le règlement de copropriété de l’immeuble autorise l’activité qu’exercera le locataire. A défaut, ce dernier ne pourra pas exploiter son activité et toute action qui serait intentée contre le bailleur ne supprimerait pas pour autant cette interdiction …

C’est la « destination » de l’immeuble qui est la notion clé : l’immeuble doit être à usage d’habitation, commerciale, professionnelle ou mixte.

Il ne faut pas se fier à cet égard au caractère commercial « évident » d’un local. Une boutique située en rez-de-chaussée d’un immeuble ne signifie pas pour autant que ce dernier a un usage commercial…

Il convient avant tout de vérifier que la destination commerciale est bien spécifiée dans le règlement de copropriété.

Si la destination du local choisi est compatible avec l’activité du preneur, il faudra préciser cette dernière dans le contrat de bail commercial. C’est la destination donnée dans l’acte qui fixe les droits du locataire ; et une détermination précise de la ou les activités devant être exercées dans le local est essentielle.

Dans l’hypothèse de l’exploitation d’un restaurant, il ne faudra par exemple pas oublier de mentionner la « vente à emporter » si celle-ci est pratiquée en plus de la restauration sur place, sous peine de ne pas pouvoir la pratiquer !

2ème réflexe : quelles sont les conditions d’indexation du loyer ?

Le principe, dans un contrat de bail commercial, est celui de la liberté (i) dans la fixation du montant du loyer (sous réserve évidemment de rester cohérent par rapport au prix du marché), et (ii) dans la détermination des modalités de son paiement.

Par ailleurs, le bailleur reste libre de réclamer au preneur le versement d’un dépôt de garantie, somme versée en vue de garantir la bonne exécution des obligations du bail. Il doit en principe être restitué au preneur à l’extinction du contrat.

Avant de conclure un bail commercial, le preneur devra s’assurer que le loyer indiqué dans le contrat est celui qui a été négocié avec le bailleur. Il devra également prendre connaissance de ses conditions de paiement.

Outre ces éléments, le locataire devra aussi analyser les conditions d’indexation – de révision – du loyer.

Deux types de révisions du loyer sont possibles :

la révision triennale : révision dite légale, elle permet au bailleur de demander tous les trois ans la révision du loyer en fonction de la variation d’un indice légal ;

la révision conventionnelle : les parties conviennent dans ce cas de la période d’indexation (annuelle, triennale …), et la révision du loyer est automatique sans que l’une ou l’autre des parties n’ait à en faire la demande.

Dans l’hypothèse d’une révision conventionnelle, il conviendra de s’assurer que la clause prévoit une variation du loyer tant à la hausse qu’à la baisse. Une clause qui ne prévoirait une variation que dans le seul sens de la hausse de l’indice serait réputée non écrite. 

Autre réflexe à adopter lors de l’étude des conditions d’indexation du loyer, la vérification de la compatibilité de l’indice de révision choisi avec l’activité exercée dans les locaux.

Depuis la loi Pinel de 2014, la révision légale des baux conclus ou renouvelés depuis le 1er septembre 2014 ne peut se faire qu’en fonction de la variation de deux indices légaux publiés par l’INSEE :

ILC (indice des loyers commerciaux) : applicable lorsque l’activité exercée dans le local est une activité commerciale (restauration, vente …) ;

ILAT (indice des loyers des activités tertiaires) : applicable pour les locaux à usage de bureaux, de plateformes logistiques, pour les activités industrielles, pour les professionnels libéraux (cabinets médicaux, entrepôts logistiques …)

Le recours à l’ICC (indice du coût de la construction), très usité avant la réforme de 2014, est interdit pour la révision triennale (légale) des baux conclus ou renouvelés depuis le 1er septembre 2014.
L’utilisation de cet indice ne sera ainsi possible que dans l’hypothèse d’une révision conventionnelle.

Attention toutefois, l’indice choisi doit systématiquement correspondre à l’activité exercée et il n’est pas toujours possible de le choisir. Par exemple, pour les activités des professionnels libéraux, la loi impose que la variation du loyer ait lieu selon l’ILAT.

3ème réflexe : quelles sont les charges et les travaux incombant au preneur ?

La loi Pinel du 18 juin 2014 est venue encadrer la répartition des charges entre le preneur et le bailleur afin de permettre à chacun de savoir ce qui lui incombe.

Outre les charges, la répartition des dépenses de travaux entre bailleur et preneur est elle-aussi très règlementée.

  • Les charges locatives :

Afin d’assurer une meilleure transparence, la loi Pinel a prévu qu’un inventaire des charges locatives revenant à chacune des parties soit annexé au contrat de bail commercial. Cet inventaire doit prévoir une description précise et limitative des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés, avec indication de leur répartition entre le bailleur et le preneur.

Toute charge, taxe ou redevance n’étant pas expressément répercutée sur le locataire selon cet inventaire ne pourra pas l’être par la suite.

Le décret 2014-1317 du 3 novembre 2014 a donné une liste précise des charges que le bailleur ne peut pas répercuter sur son locataire. Outre certaines dépenses de travaux que nous énumèrerons par la suite, ne peuvent pas être imputées au locataire :

Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ;
Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, les taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur.

Des exceptions demeurent : la taxe foncière, les taxes additionnelles à la taxe foncière, la taxe sur les ordures ménagères ou encore la taxe sur les bureaux peuvent être répercutées sur le locataire.

  • Les dépenses de travaux :

A défaut de clauses contraires dans le contrat de bail, le locataire est seul tenu aux réparations locatives ou de menu entretien listées par l’article 1754 du Code civil. Elles concernent notamment les réparations relatives aux vitres cassées (sauf si la casse est la conséquence d’un épisode de grêle ou d’un autre accident de force majeure), aux portes, aux gonds, aux serrures …

La liste de l’article 1754 du Code civil n’étant pas limitative, d’autres réparations peuvent être mises à la charge du locataire en fonction de l’usage qu’il fera du local loué.  

Cependant, certaines réparations incomberont en toute circonstance au bailleur. Il s’agit des « grosses réparations » listées par l’article 606 du Code civil. Le bailleur doit notamment supporter, à ses frais, les réparations d’entretien et de gros entretien du local, les réparations des murs, des voûtes, des poutres, des murs de clôtures. Il doit également prendre en charge les dépenses rendues nécessaires par la vétusté ou la force majeure.

–> Il conviendra donc de bien vérifier que le contrat de bail ne met pas à la charge du locataire des dépenses qui sont de la seule responsabilité du bailleur.

4ème réflexe : quelles sont les conséquences de la cession, par le preneur, de son droit au bail ?

En cours de bail, il arrive que le locataire, qui envisage de quitter les locaux, souhaite céder sa qualité de locataire à un tiers. On parle de « cession de droit au bail ». Cette cession peut intervenir en tant que telle ou dans le cadre plus large d’une cession de fonds de commerce.

La cession, opposable au bailleur en tant que partie au contrat, doit être réalisée dans les conditions prévues par le contrat de bail. Il est fréquent par exemple, que la cession du droit au bail soit soumise à l’agrément préalable du bailleur ou subordonnée à l’intervention du bailleur à l’acte de cession.

La clause de cession du droit au bail doit être analysée attentivement et d’autant plus lorsqu’elle contient une stipulation imposant une solidarité entre l’ancien et le nouveau locataire. 

Par l’effet d’une clause dite de solidarité, il existe une garantie solidaire entre le locataire, cédant, et le nouveau locataire, cessionnaire. L’ancien locataire devient alors codébiteur solidaire du nouveau locataire pour le respect des obligations résultant du bail et plus particulièrement au titre du paiement des loyers.

Cette clause prend fin soit en présence d’un congé donné au nouveau locataire pour la date d’expiration du bail, soit lors de l’expiration du bail cédé, dans lequel la clause a été introduite.

Cette clause n’est pas sans conséquence pour le locataire sortant et la loi est venue l’encadrer afin de ne pas en faire un fardeau. La clause de garantie ne peut être invoquée par le bailleur que pendant une durée maximale de trois ans à compter de la cession du bail. De plus, le bailleur doit informer l’ancien locataire, cédant, de tout défaut de paiement du nouveau locataire dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle la somme était due.

Il conviendra de s’assurer que la clause de solidarité qui pourrait être insérée dans le contrat de bail commercial ne mette pas plus d’obligations à la charge du locataire sortant que celles que la loi autorise.

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Le bail commercial est un contrat particulièrement important dans les relations affaires. Il convient d’en maîtriser le contenu et de s’assurer que les obligations mises à la charge de chacune des parties, et plus particulièrement du locataire en position de faiblesse, respectent le droit applicable aux statut des baux commerciaux. Pour un futur locataire, avoir en tête les réflexes que nous venons d’énoncer ne pourra être que salutaire.

Et pour une approche plus ludique de la révision du loyer commercial… c’est par ici !

Un article de Me Léa GUEMENE.

Note : 5 sur 5.

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