Introduction au crowdfunding

Transposant librement l’expression d’Ovide selon laquelle « les petits ruisseaux font les grandes rivières », le crowdfunding est une technique de financement consistant à rassembler des participations multiples, et d’importance variable, afin de porter des projets en dehors ou en complément des circuits de financement classiques.

En d’autres termes, le crowdfunding est un outil permettant à des personnes ou des sociétés de récolter des fonds auprès de « la foule » en vue de financer des projets, à des fins lucratives ou désintéressées.

L’essor d’internet, dans ce cadre, a évidemment été déterminant. La rencontre des porteurs de projets en quête de financement, et des particuliers souhaitant soutenir financièrement ces derniers, se fait désormais par des plateformes internet dédiées. Ces « sites de crowdfunding », parfois spécialisés dans certains secteurs d’activité (start-up, énergies renouvelables, immobilier, etc.), se rémunèrent généralement par une commission sur le montant des sommes récoltées, à la charge du porteur de projet.

Derrière le terme crowdfunding se cachent en réalité trois pratiques bien distinctes : le don (reward crowdfunding), le prêt (crowdlending), et l’investissement financier (crowdequity).

Le reward crowdfunding, simple appel au don.

Il est possible pour un porteur de projet, que son projet soit caritatif ou non, de lancer un financement participatif sous forme de reward crowdfuding.

Il s’agit alors tout simplement d’un appel aux dons auprès du public, ces derniers pouvant être consentis par les donateurs :

sans limitation de montant ;
sans contrepartie ;
ou avec une contrepartie matérielle plus ou moins symbolique, ce qui est généralement la formule retenue. Cette contrepartie peut prendre des formes multiples, du goodies (t-shirt…) à la prestation (rencontre de l’équipe…), en passant par la prévente (le produit financé sera livré en avant-première, à un tarif préférentiel et/ou sous une forme premium).

Avec ou sans contrepartie, la donation réalisée via une plateforme de crowdfunding pourra parfois ouvrir droit à des avantages fiscaux, en principe détaillés sur l’annonce ou la plateforme et répondant aux conditions de droit commun.

De par sa gratuité, le financement en par le don aura pour intérêt d’être comptabilisé directement dans les fonds propres du bénéficiaire. Cette qualification comptable permettra au bénéficiaire d’accéder plus aisément à d’autre mécanismes de financement souvient liés au niveau de fonds propres, tels que les prêts d’honneur ou les subventions (BPI, organismes locaux, etc.).

Le financement par le don, populaire pour des projets caritatifs et d’intérêt général, se retrouve également fréquemment sur des projets commerciaux propres à mobiliser des communautés d’utilisateur déjà fédérés (jeux de société, amoureux des animaux, technophiles, etc.), et via la contrepartie de la prévente.

Le crowdlending : la foule joue la banque.

En matière de projets commerciaux, le financement participatif prendra parfois la forme d’un prêt : on parle alors de crowdlending.

Les caractéristiques principales du crowdlending, qui constitue une exception au monopole bancaire, sont les suivantes :

les financeurs sont des personnes physiques (donc pas de société) souhaitant réaliser des prêts à titre non professionnel ;
le prêt peut être réalisé avec intérêt, il ne peut alors dépasser 2 000 € par prêteur et par projet, pour une durée maximale de 7 ans. Le taux d’intérêt est librement fixé dans le contrat de prêt, et ne peut dépasser le taux d’usure ;
le prêt peut alternativement être réalisé sans intérêt, il ne peut alors dépasser 5 000 € par prêteur et par projet, sans limitation de durée ;
le montant global qui peut être prêté au porteur de projet via l’opération de crowdlending est plafonné, pour un même projet, à 1 000 000 €.

Juridiquement, un contrat de prêt mis à la disposition par la plateforme de crowdfunding est ainsi conclu entre chaque prêteur et le porteur de projet. Cet acte doit impérativement préciser l’existence ou non d’un droit de rétractation de l’emprunteur, et d’une faculté de remboursement anticipé de l’emprunteur.

Au niveau comptable, l’argent prêté sera classiquement constitutif d’une dette pour le porteur de projet, et les éventuels intérêts générés une charge financière. Quoique ne renforçant pas les fonds propres comme du reward crowdfunding voire du crowdequity, le crowdlending pourra le cas échéant venir substituer, compléter ou amorcer, un emprunt bancaire plus classique.

En pratique enfin, les fonds prêtés ne seront généralement perçus par l’emprunteur que si un seuil minimal fixé à l’avance pour le financement du projet est atteint, avant l’expiration d’une période prédéfinie. A défaut, le financement est réputé défailli !

Le crowdequity, ou le financement par souscription de titres financiers.

Aux casquettes de donateur ou de prêteur, les plateformes de financement proposent aussi aux quidam de prendre celle d’investisseur, et ainsi de souscrire à des émissions de titres de créance (obligations), voire de titres de capital (actions ordinaires ou de préférence) de sociétés non cotées françaises ou étrangères.

Les sociétés par actions simplifiée (mais pas les SARL, ce qui constitue un critère de choix pour les start up) peuvent ainsi proposer la souscription de leurs titres financiers au public sous certaines conditions :

– l’offre au public des titres financiers est réalisé sur une plateforme de crowdfunding labelisée immatriculée à l’ORIAS ;
– la société ne peut lever ainsi que 2,5 millions d’euros sur une période glissante de 12 mois (mais rien n’empêche de compléter le crowdequity d’une levée de fonds plus classiques auprès de business angels ou d’investisseurs institutionnels) ;
– les règles des statuts afférentes aux assemblées générales et aux droits de vote doivent être alignés sur celles applicables aux sociétés anonymes (L.225-1 c.com & suivants).

Le financement ainsi levé par le porteur de projet viendra renforcer ses capitaux propres, mais va mécaniquement diluer sa participation capitalistique : les souscripteurs deviennent associés de la société à ses côtés.

Côté financeurs, ces derniers se rémunèreront en cas de mise en distribution de dividendes (ce qui suppose une activité bénéficiaire !), et le cas échéant sur la plus-value réalisée lors de la revente des titres.

A noter également que la souscription au capital est éligible au dispositif de réduction IR-PME dans les conditions de droit commun.

Le crowdfunding : précautions d’usage.

Le crowdfunding et les plateformes de financement participatif ont rendu le don, le prêt ou l’investissement en titre financier plus accessibles pour le public, mais pas pour autant moins risqués que dans des schémas classiques. Des précautions d’usage s’imposent donc :

vérifier que la plateforme est immatriculée aux registres de l’ORIAS ou de REGAFI, et dûment labélisée. Il s’agit ici de s’assurer que cette dernière respecte la réglementation encadrant cette activité en France, et notamment les obligations d’informations complète et claire des investisseurs ;

bien évaluer les risques : internet ou pas, le prêteur s’expose à un risque d’absence de versement de ses intérêts, voire de non-remboursement du capital prêté. Pareillement, l’investisseur peut ne jamais percevoir de dividendes si l’activité financée n’est pas bénéficiaire, connaître des difficultés à revendre ses titres, voire perdre tout ou partie de sa mise en capital si la société défailli.

Porté par l’essor d’internet, le développement du crowdfunding est une véritable opportunité de financement pour les porteurs de projet, et d’investissement pour le public. Sa facilité d’accès ne doit pas pour autant faire oublier qu’il est porteur d’engagements importants pour chacune de ses parties, tant sur les plans juridiques que financiers.

Un article de Me Clément BILLAUX, avocat associé chez BCM AVOCATS.

Note : 5 sur 5.

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